Witkoff à Moscou : la Russie face au dernier piège globaliste
La farce postmoderne continue : un émissaire, un ultimatum, et le vieux rêve d’une reddition russe. Karine Bechet-Golovko lit dans cette visite de Witkoff un dernier mouvement globaliste pour freiner l’inéluctable : le retour de la Russie dans son histoire, et la fin d’une illusion atlantiste.
La pièce de Giraudoux La guerre de Troie n’aura pas lieu commence en ces termes, par un dialogue entre Andromaque et Cassandre, au sujet de l’arrivée de l’émissaire grec, du départ d’Hélène et de la guerre : « ANDROMAQUE Cet envoyé des Grecs a raison. On va bien le recevoir. On va bien lui envelopper sa petite Hélène, et on la lui rendra.CASSANDRE On va le recevoir grossièrement. On ne lui rendra pas Hélène. Et la guerre de Troie aura lieu. » Les deux se sont trompées : la guerre de Troie a de toute manière eu lieu, car Hélène n’était pas l’enjeu, mais le prétexte. La manière de recevoir l’émissaire ne peut avoir d’influence sur l’issue du conflit, dans le sens où cela n’aurait pu empêcher le conflit. La manière de recevoir l’émissaire n’a de sens que pour montrer à l’adversaire qu’il n’est pas craint, que pour lui démontrer la détermination.
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Ils tentent alors le pat. Ni la victoire, ni la défaite. Une troisième voie censée arrêter le cours de l’histoire. C’est, semble-t-il, la raison de la visite impromptue de Witkoff en Russie avant l’expiration de l’ultimatum globaliste. Mais est-ce dans l’intérêt stratégique de la Russie d’accepter le pat ? Accepter, ici, c’est se plier à des règles du jeu que l’on ne maîtrise pas, qui sont adaptées et maniées dans l’intérêt de l’adversaire. Cette volonté des élites globalistes est liée à deux facteurs principaux : la résistance de la Russie, qui ne se résout pas à la capitulation politico-diplomatique, devant conduire à la capitulation militaire ; la faiblesse politico-militaire réelle des pays de l’axe atlantiste, qui, en raison d’années de désindustrialisation active (vive l’ère postindustrielle...) et de déstructuration des sociétés (vive l’ère du post-humain...), ont une puissance politico-militaire bien en deçà de leur puissance nominale. Pour restaurer leur puissance réelle, ces élites sont obligées de revenir sur leurs « valeurs », leurs « principes » ; c’est-à-dire qu’elles sont obligées de remettre en cause la société qu’elles ont construite à leur mesure. Or, c’est la seule configuration socio-politique qui permet leur existence. La remettre en cause, c’est se suicider.
https://francais.rt.com/opinions/123778-witkoff-moscou-russie-face-dernier-piege-globaliste